Parmi les figures mythologiques qui peuplent notre atelier, une nouvelle femme puissante a fait son entrée. ORLAN façonne son propre corps en œuvre d’art : ce manifeste de la transformation suscite le débat public depuis des décennies. Par des gestes artistiques radicaux constamment renouvelés, l’artiste interroge les conventions et les prêts-à-penser. Toujours mêlée d’humour, parfois de parodie ou même de grotesque, son œuvre interroge les phénomènes de société et bouscule les codes préétablis. C’est dans cette perspective qu’elle a frappé à notre porte, en nous confiant la tâche de façonner un moulage de son corps, une empreinte qui invite à la réflexion sur le statut du corps dans nos sociétés.
Rencontre avec cet artiste inclassable.
Un corps, matière première
« On me considère comme une artiste de la performance, mais je suis avant tout une artiste non assujettie à un matériau, à une approche artistique, à une manière de dire, à une technique ou à une technologie, qu’elle soit ancienne ou nouvelle.
J’utilise l’IA, la robotique, la réalité augmentée, la sculpture sur marbre de Carrare, la résine, l’impression 3D, la vidéo, la photo, la culture de mes cellules, la culture de la flore buccale, intestinale, vaginale, la chirurgie plastique, la peinture…
Toutes ces matières sont ma chair ; je travaille sur le concept de l’œuvre, qui est pour moi la colonne vertébrale de mon travail. Je construis un manifeste et un corps. »
ORLAN affirme : « Je suis un corps, rien qu’un corps, entièrement un corps et c’est mon corps qui pense. » Aussi est-ce un moulage de son corps qu’elle a demandé à notre atelier d’exécuter.
Nos artisans ont réalisé, à l’aide d’un scanner 3D, une empreinte virtuelle de son corps, une matrice numérique à partir de laquelle ils ont façonné une reproduction fidèle. Sur la sculpture finale, notre maître-patineuse, Julie, a coloré la coiffure, qui s’élance vers le ciel, de noir et de blanc. Cette collaboration inédite a donné naissance à Vers la paix perpétu-aile(s), une œuvre engagée, exposée pour la première fois à Art Paris 2024, par la galerie Ernst Hilger.
« Dans le climat politique et social actuel, il me paraissait très important de faire une œuvre qui revendique la paix et la liberté. J’ai souhaité utiliser le symbole de la colombe sur lequel j’ai souvent travaillé. J’ai cristallisé le souvenir d’une performance réalisée en 2022 à Mérida. Le photographe Pim Schalkwijk, pour une séance photo, m’avait demandé de choisir un objet dans un marché, et j’ai acheté une colombe blanche, que j’ai ensuite libérée dans le ciel. J’avais trouvé ce geste fort et poétique. »
Le drapé et le baroque
ORLAN, qui a beaucoup travaillé autour du drapé et de l’esthétique baroque, y revient dans Vers la Paix perpétu-aile(s) : « J’ai fait beaucoup de voyages d’étude en Italie, et le baroque m’a énormément appris. La culture judéo-chrétienne nous demande de choisir le bien ou le mal. Le baroque nous invite à réfléchir sur ce « ou » et à utiliser le « et ». L’œuvre du Bernin, qui m’a beaucoup inspirée, nous montre sainte Thérèse jouissant de la flèche de l’ange dans une extase érotique « et » extatique. Lacan en a beaucoup parlé. La plupart de mes œuvres sont fondées sur cette leçon du baroque, que j’ai explorée en profondeur pendant plus d’une décennie à travers ma série « Le Drapé-le-Baroque ». En madone ou en Mme de Sainte-ORLAN, je me transforme en sculpture vivante, drapée dans les étoffes de son trousseau. » L’artiste explore les tensions entre le sacré et le profane, le corps et l’esprit. Le noir et le blanc de sa coiffure symbolisent cette dualité et leur fusion possible.
ORLAN nous a généreusement fait part de sa satisfaction à l’issue de ce projet : « J’ai été enchantée de découvrir votre savoir-faire et votre passion, et très heureuse de cette belle collaboration. Je ne connaissais pas précisément vos ateliers, mais leur renommée les précédait ! » Elle termine cet entretien avec « une mention spéciale à Hadrien, votre responsable commercial, à Arnaud et à Liza, les mouleurs-statuaires qui ont réalisé la sculpture finale et à Julie pour la patine ».
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