Au sein de l’exposition « Méditerranées » du Mucem, les moulages et les modèles sur fond issus de notre atelier surgissent comme les échos d’un passé lointain.
Embarquons avec l’institution marseillaise pour une odyssée au cœur de l’Antiquité, au fil des pages du catalogue d’exposition édité par notre maison, GrandPalaisRmnÉditions.
Érigé sur une ancienne jetée où accostaient autrefois les bateaux reliant la cité phocéenne à Alger, le Mucem est le premier musée national dédié aux cultures de l’Europe et de la Méditerranée. Depuis son ouverture en 2013, il incarne un dialogue entre les rives nord et sud de la Grande Bleue. Pour célébrer son dixième anniversaire, le Mucem dévoile un nouvel accrochage permanent, « Méditerranées. Inventions et représentations ».
En amont de l’exposition, les concepteurs du parcours muséographique ont fait le déplacement depuis Marseille jusqu’à notre atelier, à Saint-Denis, pour choisir différents moules et tirages, à savoir ceux de la Victoire de Samothrace, de l’Aurige de Delphes, de la Diane de Gabies, et du Laocoon, qui figurent dans le catalogue de l’exposition, ainsi qu’une fragile et envoûtante dentelle de plâtre, mémoire du dos de la Vénus d’Arles. Dès sa création au lendemain de la Révolution française, notre atelier de moulage a joué un rôle essentiel dans la diffusion des modèles antiques en France pour l’art antique.
Entre héritage et rejet
« Depuis la Renaissance, nulle collection d’art ne saurait être complète sans un chef-d’œuvre de la sculpture antique. » Ainsi commence le chapitre « Sculpture, la construction d’un canon » du catalogue d’exposition Méditerranées. Inventions et représentations. Au xvie siècle, l’Antiquité commença en effet à être révérée, parmi les érudits, les artistes et les aristocrates, comme la source suprême de la beauté et de la sagesse. Dès lors, pour les élites européennes, parcourir les rives de la Méditerranée devint une façon de voyager dans le temps à la recherche des racines de leur civilisation.
Élevée au rang de canon artistique et diffusée dans les écoles d’art d’Europe, l’Antiquité se chargea d’enjeux idéologiques et politiques dès le xviiie siècle. Ainsi, les États coloniaux occidentaux justifièrent leurs conquêtes en Méditerranée au nom d’une « mission civilisatrice » qu’ils se devaient de mener, expliquaient-ils, en tant qu’héritiers directs de la Rome antique.
Le légendaire Laocoon
L’histoire du Laocoon, dont le modèle veille dans les réserves de notre atelier d’art, illustre parfaitement comment les œuvres revêtirent des enjeux politiques et culturels majeurs, au-delà de leur seule valeur esthétique. Le catalogue Méditerranées décrit la découverte de la sculpture romaine : « 1506. Au cours de grands travaux d’aménagements menés à Rome, un groupe sculpté est excavé. Sa puissance expressive fascine : trois personnages se débattent, enserrés par des reptiles ; le désespoir déforme le visage de l’homme puissant au centre de la composition.
Admiré par Michel-Ange et François Ier […], copié dans les écoles d’art et d’arts décoratifs de toute l’Europe, le Laocoon est devenu canonique. Il incarne, par son histoire et le nombre de ses reproductions, le pouvoir d’attraction qu’a exercé l’antique dans l’histoire de l’art et l’histoire des musées européens » (extrait de l’introduction du chapitre « La Méditerranée antique au musée : un canon esthétique à la lumière de l’histoire politique européenne », par Justine Bohbote, Enguerrand Lascols et Hélia Paukner, conservateurs du patrimoine).
En France, l’admiration fut immédiate. François Ier envoya le Primatice à Rome afin de faire mouler le chef-d’œuvre pour le château de Fontainebleau, puis Louis XIV en commanda un moulage pour les jardins de Versailles. Plus tard, le pouvoir napoléonien, qui prônait la diffusion des arts au nom de l’universalisme supposé de la nation française, s’empara de la sculpture : butin de guerre, elle fut emportée à Paris. À la chute de l’Empire, le sculpteur vénitien Antonio Canova, chargé de récupérer les œuvres d’art des États pontificaux, restitua le Laocoon au Vatican.
Notre atelier, unique en Europe
Instruments clés de la diffusion des modèles esthétiques hérités de l’Antiquité, les premières collections de moulages de sculptures antiques se constituèrent à partir du xviie siècle dans les écoles parisiennes. Officiellement fondé en 1794 au sein du musée du Louvre, notre atelier, qui avait pour mission de reproduire les chefs-d’œuvre afin de faciliter l’accès du public aux canons artistiques, était unique en Europe.
Les régimes totalitaires européens des années 1920-1940 ont instrumentalisé l’héritage gréco-romain à leur profit, en tordant, si besoin, les faits historiques à leur guise. Les nazis affirmaient ainsi être les héritiers de la Grèce et de la Rome antiques, dont ils exaltèrent les canons de beauté lors des Jeux olympiques de 1936, à Berlin.
L’image de l’Antiquité semble s’être dépolitisée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, les moulages d’œuvres antiques, symboles de l’esthétique classique, rappellent néanmoins la possible instrumentalisation de l’art à des fins idéologiques. Riches de cette histoire histoire des représentations, ils constituent de fécondes sources d’inspiration pour les nombreux artistes contemporains qui passent par notre atelier, tels Jeff Koons, Daniel Arsham, Théo Mercier ou encore Martin Margiela…
Retrouvez notre collection de moulages d’antiquités gréco-romaines