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Toucher avec les yeux, regarder avec les mains ! Le moulage, comme outil de visite tactile au musée

Le lundi, le musée d’Orsay n’est pas ouvert aux visiteurs. Pourtant, ce matin, un petit groupe d’une dizaine de personnes s’y est donné rendez-vous. Il attend Cécile, conférencière, pour une visite de l’exposition temporaire « Aristide Maillol ». Dans l’immense allée centrale, les sculptures, sans leurs fidèles admirateurs, semblent se relâcher et chuchoter entre elles ; elles restent pourtant invisibles aux yeux de nos visiteurs. Le musée d’Orsay est plein d’un lumineux silence empreint de sacralité.
« Le calme est nécessaire et permet plus d’écoute et de concentration pour le public des aveugles et malvoyants, explique Jean-Claude, accompagnateur du groupe, pour l’association Valentin Haüy. Nos adhérents sont très en demande d’explications prodiguées par des conférenciers sur l’histoire de l’art. Ils attendent que les tableaux et les sculptures de Maillol leur soient décrits avec force détails : leur volume, leur couleur, comme leur composition, afin qu’ils puissent les percevoir, se les approprier et les conserver en mémoire. Car dans un musée, on ne touche pas ! » conclut Jean-Claude.

La femme assise, Maillol © atelier de moulage des musées nationaux

« Les moulages de la statuette sont une réponse parfaite au public des malvoyants. »
Pour enrichir les visites sensorielles, le musée d’Orsay a commandé à l’atelier de moulage des musées nationaux plusieurs exemplaires de la statuette la Femme assise sur ses talons, dont l’original fait partie du parcours de scénographie. Ces moulages fabriqués en résine reproduisent fidèlement la statuette, dans une taille identique. Pour aider les participants à percevoir les reproductions, à suivre leurs contours et à comprendre la quête d’harmonie de Maillol, Cécile, la conférencière, conte l’histoire de l’artiste. Elle précise :  « À travers la visite et sa description, j’invite les participants à entrer dans l’univers de l’artiste. Et le toucher apporte une dimension supplémentaire incroyable, une véritable rencontre que nous n’imaginions même pas. »
Maillol se consacre totalement à la sculpture à partir de 1904, à un moment où il souffrait de graves troubles de la vue. Il se lance alors dans des œuvres grandeur nature, le plus souvent des femmes nues. « J’aime toucher la matière », déclarait Maillol… Tout autant que nos visiteurs qui embrassent littéralement les statuettes présentées par la conférencière. Des commentaires enthousiastes fusent. « Comme c’est beau ! Comme la ligne est pure et lisse ! » s’exclame l’un. « C’est une jeune fille ! Elle est mince avec un petit ventre rond. Elle a de petites joues. Pourquoi est-elle différente des femmes massives que vous décriviez ? » s’enquiert un autre. « J’aime beaucoup suivre la ligne de son dos… Mais elle porte un fichu ? Qu’a-t-elle sur la tête ? C’est un fichu catalan ? » demande son ainée, en supposant un lien entre le foulard et les origines de Maillol.
La sculpture, représentative de l’œuvre de Maillol, est effectivement lisse et ne fait pas apparaître de muscles. Cette simplicité provoque visiblement l’émotion des spectateurs. Toucher et être touché se rejoignent dans une expérience esthétique.

Moulages de la Femme assise, Maillol © atelier de moulage des musées nationaux

Marie Leclerc est chargée de la médiation Accessibilité et Champ social aux musées d’Orsay et de l’Orangerie. Elle nous explique : « Au-delà de la loi de 2005 sur le handicap, qui rend obligatoires l’accessibilité et l’offre d’outils de médiation pour les publics en situation de handicap, nous réfléchissons beaucoup aux outils de médiation qui pourraient améliorer les visites sensorielles. Les moulages de la statuette sont une réponse parfaite au public des malvoyants. Nous savions que l’atelier de moulage conservait ce moule. Aussi, le choix de la Femme assise sur ses talons a été assez rapide pour plusieurs raisons : elle faisait partie de l’exposition, elle faisait sens dans le parcours scénographique et des reproductions de grande qualité étaient rapidement réalisables. »
Pour Marie Leclerc, les moulages sont des outils de médiation idéaux lorsqu’ils sont maniables et transportables, résistants aux touchers et parfaitement fidèles à l’œuvre originale. « Nous allons systématiser cet usage au sein de prochaines expositions. Le choix des moulages sera fait aussi en fonction des œuvres de notre collection permanente pour permettre d’autres utilisations sur plusieurs thématiques. L’Ours Pompon, par exemple, reproduit en moulages réduits, est utilisé lors d’ateliers avec des enfants malvoyants qui sont hospitalisés, mais aussi lors des visites de notre collection permanente. »

À l’heure où un grand nombre d’œuvres originales ne peuvent plus être transportées pour des raisons économiques et écologiques, les moulages d’art, répliques fidèles des sculptures, deviennent des éléments à part entière des scénographies. L’atelier de moulage des musées nationaux trouve ainsi un usage renouvelé à sa riche collection de moules historiques et peut répondre aux nouvelles demandes des musées, à travers la solution d’images et tirages en 3D.
Les institutions auraient un grand avantage à ouvrir ce champ expérientiel à tous les publics, qu’ils soient empêchés ou non, adultes ou enfants. Un meilleur apprentissage, un plaisir accru et davantage d’inspiration émergeraient sans aucun doute de cette expérience tactile.

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