Le Louvre a confié à notre atelier la prise d’empreinte de la statue en marbre d’Etienne Jules Ramey qui trône dans le jardin des Tuileries depuis 1831.
Thésée combattant le Minotaure, d’Étienne Jules Ramey © Lorraine Lhomer, atelier de moulage des musées nationaux
C’était un grand jour à l’atelier, un de ces matins magiques où l’art rencontre l’Histoire et où l’œuvre raconte le mythe. Les puissantes figures captives de Thésée et du Minotaure ont traversé lentement l’espace sur un chariot, sanglées comme pour mieux entraver le taureau prêt à charger, tandis que chacun des mouleurs suspendait solennellement son travail en cours.
« La grande commande de Louis-Philippe »
Actuellement, le Louvre mène une campagne de restauration autour de quatre statues dites de « la grande commande de Louis-Philippe », ordonnées par le roi qui s’installait au palais des Tuileries. Le souverain fit alors modifier le jardin et dresser des sculptures. Depuis, le parc imaginé par Le Nôtre, expose aux promeneurs un éventaire de statues : copies d’antiques en bronze, marbres du xviie siècle et figures héroïques modernes. Au fil des siècles, certaines sont entrées au musée du Louvre, tandis que d’autres ont disparu. Si les massives sculptures semblent solides et immortelles, les soins réguliers qui leur sont prodigués par l’équipe du Louvre n’auront pas suffi à les maintenir en bon état. Exposées en plein air, elles s’abîment et se fragilisent.
Arnaud Briand, responsable de la production à l’atelier et meilleur ouvrier de France, nous confie : « Cette sculpture originale du jardin est une création en marbre d’Étienne Jules Ramey. Elle date de 1826 et fêtera bientôt ses 200 ans. Lorsque nous aurons procédé à la prise d’empreinte pour la dupliquer, elle sera mise à l’abri dans la cour Puget du Louvre. Nous l’avons nettoyée puis recouverte d’un agent protecteur pour éviter que la graisse de la silicone et de la plastiline ne se transfère sur le marbre. Nous n’avons pas touché aux altérations qui font partie intégrante de l’histoire de la pièce. Nous avons fabriqué un moule qui la reproduit à l’identique, avec les traces de son passé, comme une mémoire. »
« Je comprends mieux en les frôlant les choses belles,
je partage leur vie intense en les touchant (…) » (Renée Vivien)
Chargées de la prise d’empreinte, Lorraine Lhomer et Marie Chastel, mouleures statuaires à l’atelier, se sont penchées sur l’ouvrage. « Même si les propriétés du marbre sont uniques, les intempéries ont endommagé la pièce. Nous avons moulé la sculpture et créé une matrice qui servira à la dupliquer, explique Lorraine Lhomer. C’est une très belle pièce, mais assez difficile, qui a demandé pas mal de réflexion pour parvenir à fabriquer un moule en moins de parties possibles. La vraie difficulté a été l’intérieur des jambes du Minotaure ; ça a demandé pas mal de réflexion et de technicité. Il a fallu environ trois semaines pour réaliser la prise d’empreinte avec Marie. Le moule que nous avons fabriqué est constitué de deux grandes chapes en résine acrylique avec leurs peaux en silicone, et d’un seul abattis du bras tiré à part. »
Marie Chastel confie son émotion : « J’ai adoré contempler et travailler la tête du Minotaure, sauvage et animale. Elle détonne avec le reste de la sculpture. Il y a quelque chose d’émouvant à travailler sur un original, au contact de la pierre et du marbre. On a la sensation d’être proche du sculpteur et de sa création. Le taureau, blanc et musculeux, est une créature exceptionnelle. C’est une pièce qui marque ! »
Les empreintes épousent les formes des œuvres et racontent leur passé. Au service de l’art, elles portent les traces de l’histoire et donnent l’immortalité aux idoles. Aujourd’hui, certains artistes contemporains s’en émeuvent, s’en inspirent, voire s’approprient les statues iconiques à travers leurs reproductions. Par des touches de couleurs, des marques d’érosion ou de nouveaux éléments superposés aux moulages, ces créateurs projettent, à leur tour, les icônes dans les arcanes des temps futurs.