Les moulages sont devenus des éléments à part entière des scénographies. L’exposition « Pharaon des Deux Terres. L’épopée africaine des rois de Napata » au musée du Louvre propose un parcours qui embarque le visiteur dans le royaume napatéen. Des œuvres spectaculaires mais aussi des moulages de pièces historiques, essentielles au parcours, offrent une nouvelle réalité pédagogique.
La fragilité des pièces antiques, le coût des transports, leur sécurité, sont autant d’obstacles à leur déplacement. Vincent Rondot, commissaire de l’exposition et directeur du département des Antiquités égyptiennes au musée du Louvre, explique : « je me rends compte à postériori que les commissaires d’exposition sentent bien que, ne pas mentionner une œuvre parce qu’elle ne peut pas être déplacée, peut créer une absence, un vide. Du coup, il faut avoir l’audace de proposer un moulage historique, de pousser l’hypothèse jusque-là ».
La Stèle de Piânkhi exposée au tout début du parcours de l’exposition est un moulage prêté par le British Museum pour l’exposition. « Ce moulage date de la fin du du xixe siècle. Il a été commandité par un conservateur historique du British Museum au musée du Caire. L’objet est de très belle qualité ; sa masse et sa couleur noire m’évoque un peu le film « 2001, l’Odyssée de l’Espace », un monolithe noir dans le désert africain ! Au British Museum, il était coincé entre d’autres moulages et là, il prend toute sa dimension », se réjouit Vincent Rondot. L’œuvre originale fait partie de la collection du musée du Caire. Elle est une pièce incontournable du parcours. Gravée sur toutes ses faces d’une inscription hiéroglyphique, elle célèbre et témoigne d’une expédition victorieuse menée par Piânkhi, grande figure de la dynastie kouchite.
Egalement, les 7 grandes statues de Doukki Gel, qui émerveillent les visiteurs dès le début du parcours, sont des répliques. Ces figures monumentales, 7 pharaons noirs enterrés pendant près de 2500 ans et découverts en 2003, ne pouvaient pas être absentes du parcours d’exposition dont le sujet est la glorieuse histoire des rois de Napata.
Vincent Rondot, s’est lancé dans une entreprise audacieuse : « J’aurais aimé faire venir les statues à Paris mais c’était inenvisageable. En 2015, j’ai visité le site à Kerma et lorsque j’ai appris qu’une captation 3D avait été réalisée, j’ai pensé au projet d’une reconstitution ». L’idée s’impose alors de ne pas se contenter d’une reproduction fidèle et archéologique des objets mais au contraire d’envisager, grandeur nature, une restitution des caractères originaux et de certaines parties manquantes, offrant au visiteur de marcher sur les pas d’un napatéen.
Les statues ont été restaurées numériquement, avant impression. « J’ai passé des heures avec le technicien pour reconstituer certaines parties abimées ». Ainsi, le pschent (coiffure de pharaon) d’une des effigies est rouge et blanc et respecte les observations des archéologues lors de la découverte. « J’ai même fait réaliser des boucles d’oreille pour la statue du Colosse de Taharqa, par le département des cadres du Louvre. Elles sont en bois et dorées à la feuille ».
« Avec ces moulages et reconstitutions, on va à l’hypothèse maximum mais pas au-delà. Tout ce que nous exposons est défendable, justifiable scientifiquement. Je peux qualifier le résultat d’exotique mais je suis convaincu que les premiers surpris sont les égyptologues » conclut Vincent Rondot.
Les moulages sont devenus des éléments à part entière des scénographies. En rendant compte le plus fidèlement possible du contexte des œuvres, au plus proche de ce qu’elles étaient au sortir des ateliers de l’époque, les répliques en plâtre, résine, bronze… permettent une réalité pédagogique nouvelle, où l’Histoire est vécue en direct dans les lieux collectifs de mémoire que sont les musées