Au cœur de l’aile Denon, tout près de La Joconde, des visiteurs du musée du Louvre sont invités à toucher des chefs-d’œuvre de la sculpture. Cela vous surprend ? C’est pourtant l’esprit du nouvel Espace de découverte de la sculpture, qui entend donner de nouvelles clés de compréhension à tous ses visiteurs.
Pour réaliser certaines de ces sculptures manipulables, le musée a fait appel à notre atelier de moulage. Rencontre avec nos artisans d’art dans les coulisses de cette production spécifique.
Du bruit dans notre atelier de moulage : les mouleurs-statuaires échangent autour des dernières commandes du Louvre. Pour la nouvelle galerie tactile, ils ont reproduit quatre chefs-d’œuvre : La Statue équestre de Louis xiv, Le Chapiteau de Daniel, L’Amour au silence et Le Masque mortuaire de Napoléon. Leur métier est une passion ; amoureux de l’art, ils portent, chevillée au corps, la vocation de la transmission non seulement de leur expertise mais aussi de l’histoire des œuvres qu’ils reproduisent fidèlement.
« Réaliser une réplique parfaite du cheval de Louis xiv a été une longue et passionnante réalisation, raconte Arielle Lebrun, cheffe d’atelier. Tout d’abord, j’ai passé plusieurs jours au Louvre, avec ma collaboratrice, Alexia Cesca. Le moule n’existant pas, nous avons réalisé, en silicone, la prise d’empreinte de la statue originale, qui est en bronze. Il s’agit d’une réduction du portrait du Roi-Soleil d’après la statue de François Girardon, élevée sur la place Vendôme avant qu’elle ne soit détruite et fondue pendant la Révolution française. Ensuite, Arnaud Briand, qui est le responsable de la production, a réalisé un tirage spécifique en composite époxy chargé en poudre de bronze, et patiné ensuite à chaud aux acides. »
Alexia Cesca, mouleure, achève de polir la monture de Louis xiv comme elle brosserait avec ménagement la robe du cheval du roi. « C’est une pièce destinée à la galerie sensorielle du Louvre, précise-t-elle. Comme elle va être touchée souvent, j’ai renforcé certaines parties du tirage un peu plus fragiles. »
Touche finale au moulage qui sera offert aux mains et aux yeux des visiteurs du nouvel Espace : l’accrochage des rênes sur le licol. Pour cette dernière opération sur le cheval royal, l’atelier a fait appel à une restauratrice du patrimoine, Julia Jouet : « En 2022, j’ai restauré l’original au musée du Louvre, en réparant les rênes qui étaient abîmées, explique la restauratrice. Sur cette réplique, je pose des brides en laiton, qui devraient tenir dans le temps. C’est une pièce qui nécessite d’être solide. C’est un vrai plaisir d’intervenir ici, à l’atelier, et de suivre ainsi la vie de cette œuvre. »
« Une longue tradition de collaboration »
Si les musées nous commandent souvent des reproductions des chefs-d’œuvre qu’ils abritent, comme autant d’outils de visite tactile, cette demande émanant du plus grand musée du monde est un privilège pour nos artisans. Elle consacre la réputation de leurs savoir-faire. « Il y une longue tradition de collaboration entre vos ateliers et le musée, dont les créations sont concomitantes, rappelle Stéphanie Deschamps-Tan, conservatrice au département des Sculptures du Louvre. Malgré le détachement en 1895 des ateliers d’art vers La Réunion des musées nationaux, nous avons conservé un lien fort. Notre histoire est commune, et permanents, nos échanges autour des méthodes de reproduction, qu’elles soient traditionnelles ou innovantes, jusqu’à la 3D. Pour La Statue équestre de Louis xiv, Arielle Lebrun est restée plusieurs journées avec nous. Son travail dans nos réserves a alimenté ma pratique éducative ; j’ai pris de nombreuses photographies pour les étudiants de l’École du Louvre auxquels j’enseigne les techniques de création. » Soulignant la visée spécifique de cette dernière commande du Louvre, la conservatrice ajoute : « Notre intention, pour cet espace, est de donner des clés de compréhension de la sculpture à tous les visiteurs, à travers une expérience multisensorielle, notamment grâce à des moulages à toucher. »
Objets d’art et d’histoire, les moulages sont aussi des objets d’enseignement qui répondent à la préoccupation du musée du Louvre de rapprocher les œuvres des dix millions de visiteurs qu’il accueille chaque année : nos tirages, en plâtre, en résine, bruts ou patinés, s’offrent au toucher et franchissent les barrières de la langue et des connaissances artistiques. Ils deviennent ainsi des instruments d’éducation et de diffusion du savoir. Donnant à chacun la possibilité d’embrasser l’univers enchanteur du patrimoine artistique, ils participent à la démocratisation des histoires de l’art.
Découvrez quel moulage a été commandé pour le dispositif pédagogique MUSE DECOUVERTE
Regardez avec les mains ! Le moulage, comme outil de visite tactile au musée