A l’initiative du musée du Louvre, le Consortium Museum de Dijon expose près de soixante-dix estampes issues de la collection de la Chalcographie, et met en lumière tous les savoir-faire de notre atelier.
Cet ensemble, qui mêle gravures historiques et créations contemporaines, illustre la nouvelle approche de l’art contemporain du plus grand musée du monde. Pour mieux en appréhender les contours, notre atelier a rencontré Aline François-Colin, directrice des expositions et des éditions, et Donatien Grau, conseiller pour les programmes contemporains au Louvre.
Un rendez-vous au musée du Louvre est une invitation à voyager dans les galeries du temps. En plein cœur de l’ancien palais royal se dresse la haute pyramide en verre dont la pointe s’élève vers le ciel et, s’inversant, plonge dans les profondeurs des sous–sols. L’envers et l’endroit, le classique et le moderne, le passé et le futur sont réunis, comme autant de strates mémorielles de cette grande institution.
« Le Louvre n’est pas le lieu de l’art contemporain, il est le lieu contemporain de l’art »
« Depuis la nomination de Laurence des Cars à la présidence, l’institution porte un nouveau discours, qui part du constat que nous appartenons à une époque où les formes de créations sont multiples, dans le musée et ailleurs, explique Donatien Grau. La mission du musée est de les relier, avec exigence et générosité. Le Louvre n’est pas le lieu de l’art contemporain, il est le lieu contemporain de l’art. À partir du moment où les œuvres sont en notre présence, elles deviennent par nature contemporaines : le musée est contemporain en vertu des 30 000 visiteurs qui, chaque jour, le parcourent. Le basculement opéré est celui de démultiplier les relectures des œuvres par des artistes et des savants contemporains. »
Le Louvre, « le point de départ de la commande officielle » des gravures
« Jusqu’à l’arrivée de notre nouvelle présidente, précise Aline François-Colin, les artistes intervenaient de façon éphémère. Ces œuvres étaient isolées, car leur sujet était souvent sans lien avec l’institution. Ce fus le cas, par exemple, quand Eva Jospin a installé au cœur de la Cour carrée, en 2016, Panorama, une architecture artistique qui reprenait l’univers des forêts et des grottes. De cette œuvre était née la chalcographie Grotto.
Aujourd’hui, assurer une cohérence dans la collection de gravures nous semble fondamental. Nous invitons maintenant les artistes à nous proposer des créations qui s’inspirent du Louvre et de son histoire : c’est le point de départ de la commande officielle. »
« C’est tout le propos de l’invitation récente faite à l’artiste Jean-Marie Appriou, précise Donatien Grau. Son estampe, Constellation du Louvre, gravée et imprimée en collaboration avec les artisans de la Chalcographie, suggère les histoires du palais, ses récits, ses vies. Son génie est d’avoir eu le sentiment de la coexistence de ces temporalités.
C’est cette perspective qui a intéressé Franck Gautherot et Seungduk Kim, du prestigieux Consortium Museum, une institution de niveau international dans le domaine de la création contemporaine. Ce projet commun, “Printed Matters”, est une relecture personnelle mêlant l’art ancien et contemporain : la Chalcographie du Louvre y est envisagée comme une matrice où les différentes temporalités se rencontrent, à la jonction entre un patrimoine revisité et une création patrimonialisée. »
« Ce basculement vers une historicité fait du Louvre la véritable matière de la Chalcographie. Il signe une revalorisation des savoir-faire historiques des artisans d’art des ateliers des musées nationaux. C’est toute la beauté des ateliers, qui concentrent une discipline et une expertise.
La collaboration des artistes avec les artisans d’art de l’atelier met en regard les techniques anciennes et la création contemporaine. C’est une illustration du patrimoine immatériel de la gravure. L’enjeu central est de participer au développement des réflexions sur les techniques traditionnelles, comme ce fut le cas lors de la collaboration, au sein de l’atelier, de Jean-Marie Appriou avec les imprimeurs taille-douciers Bertrand Dupré, Lucile Vanstaevel et Marius Tessier. »
En revisitant la tradition, la création contemporaine devient le moteur du développement du Louvre. Ce palais, qui, avant de devenir un musée en 1793, a accueilli des ateliers d’artistes venus s’inspirer des maîtres du passé, reste, aujourd’hui plus que jamais, le lieu de formation par excellence pour les artistes. Il devient aussi, pour ses visiteurs, « une école du regard », selon les mots de Laurence des Cars, qui porte une vision moderne et humaniste de l’institution qu’elle préside.
Découvrez l’histoire de la gravure de Jean-Marie Appriou